Brigitte, 54 ans Cancer de l’ovaire

Quelle est la femme qui n’a pas de colites ? Moi, je n’en connais pas ! Alors au début de « mon histoire », rien d’inquiétant ! J’ai le ventre gonflé et il me fait mal depuis quelques semaines, et de plus en plus. Constipée. Pareil ! Je ne suis pas la seule !

Je m’appelle Brigitte et j’ai 54 ans en ce dernier semestre 2012. J’ai grossi et je ne peux plus fermer mes pantalons. Pourtant, pas plus d’appétit. Et cette fatigue ! Mon lit est de plus en plus mon meilleur ami… jusqu’au 11 Novembre.

Cette nuit-là impossible de fermer l’œil. La douleur a envahi la totalité de mon abdomen et remonte jusqu’au diaphragme. A pleurer ! Mon mari est très inquiet. Il fait venir SOS médecin. Hospitalisation d’urgence. Scanner, analyses de sang. Et les résultats en ce jour férié : rien de grave ! Une infection des trompes. Retour à la maison avec des antalgiques et des antibiotiques. Pendant trois semaines, je respecte les traitements et accepte les paroles rassurantes de la chef de clinique de gynécologie qui me suit, et que je vois toutes les semaines ! Mais j’ai toujours mal et ne peux pas avancer sans antalgiques de plus en plus souvent, de plus en plus forts. Je continue à travailler tant bien que mal. Est-ce ça qui a trompé mes médecins ?

Jusqu’au 30 Novembre… Consultation à ma demande. Stop aux beaux discours! Je souffre trop ! Je veux savoir pourquoi ça ne passe pas. « IRM de contrôle, pour vous rassurer », me dit la chef de clinique !

Les résultats arrivent le soir-même, par téléphone !!! Vendredi soir, 20h ! « Les résultats sont préoccupants. Il faut faire une cœlioscopie en urgence dès lundi matin. Vos ovaires ont un aspect cancéreux et il faut savoir rapidement si d’autres zones sont envahies !… » me dit la chef de clinique. Les médecins incompétents et sans cœur, ça existe ! J’en connais au moins un ! Pas de pitié !

Je n’en ai pas besoin ! Je ne pleure pas… pas ce jour-là ! Une partie de moi s’en doutait ! Cela fait trop longtemps que je souffre ! Je suis assommée par la nouvelle ! Mais paradoxalement dès ce moment-là, je commence à réagir. J’insiste auprès de mon mari qui travaille la nuit, pour qu’il s’en aille quand même au boulot et qu’il me laisse « m’organiser ». Par une proche (Béné, je ne te remercierai jamais assez !), j’obtiens un rendez-vous dès le lundi suivant à l’institut Bergonié pour une consultation avec le chirurgien en gynécologie. En effet, il faut faire vite.
Cœlioscopie le Jeudi 6. Et le verdict : Adénocarcinome ayant envahi une grande partie de mon abdomen. Malgré tout on va tenter une chirurgie de première intention avant la chimiothérapie. J’ai toute confiance en mon chirurgien. Je m’en remets complétement à son avis. Je ne discute pas. Je comprends que je ne peux pas y arriver en doutant du traitement proposé. Le plus dur est là. L’annonce à nos trois filles, à nos proches. Mon mari est toujours présent, attentif, aimant, mais rien ne prépare aux larmes et à l’angoisse qui se lit sur les visages. Le mot est lâché : Cancer. C’est moi qui dois être forte et montrer que je n’ai pas peur. Ma vie vient de changer ! A partir de maintenant il y a l’Avant ! Je rentre chez moi pour quelques jours avant la chirurgie. Ces jours-là ont disparus de ma vie. Je ne me souviens plus de rien de cette période entre les deux chirurgies.

La laparotomie est faite le 14 Décembre. De nombreuses zones sont atteintes et la chirurgie est large : Ovaires, utérus, rate, une partie du gros intestin, péritoine et de nombreux ganglions sont atteints et donc enlevés. Le diaphragme atteint également, est « gratté ». Stade IV! Au réveil après une opération qui a duré sept heures, je comprends petit à petit que la partie n’est pas gagnée et que la route risque d’être longue ! …mais il faut que j’en vois le bout.
Les suites opératoires sont compliquées. Moi qui pensais sortir pour Noël ! Infections, septicémie, fièvres, épanchement pleural nécessitant un drainage, fistule, problème rénal et urinaire… et j’en oublie ! Rien ne m’est épargné. Chaque jour qui passe a son lot de complications. Je vois l’angoisse sur le visage de mes proches. Mon mari s’affole. Certains doutent de ma capacité à lutter. Je suis très faible. Je ne me nourris plus. On met en place une nutrition parentérale. J’ai perdu 15kgs. Je suis ré-endormie souvent pour des examens, des ponctions, la pose de la chambre implantable en vue de la chimiothérapie…

Petit à petit les problèmes post-opératoires se règlent. Après 6 semaines d’hospitalisation, je peux enfin rentrer à la maison. Faible mais volontaire. Je veux être fière de moi, et que les miens ne doutent plus. Je démarre dès ma sortie les exercices physiques proposés par le kinésithérapeute de Bergonié : marche nordique avec une animatrice sportive spécialisée dans l’encadrement des patients cancéreux. De petits pas d’abord puis des progrès ! Et les rencontres et les échanges avec d’autres patients ! Je regrette néanmoins qu’aucun n’ai la même pathologie cancéreuse!

La chimiothérapie commence le 15 février 2013. Mes cures sont hebdomadaires. Peu de temps entre chaque cure pour se remettre. Fatigue, nausées, vertiges, perte d’appétit, changement du gout, ce qui rend la nourriture difficile à ingérer. Et puis arrive l’épisode de la perte de cheveux. Mon visage déjà changé par l’amaigrissement me devient étranger. Le moral est en berne. Une psychologue de l’Institut Bergonié, m’aide dans ces moments difficiles. Et la famille, les amis sont toujours là. Je reçois des dizaines de messages auxquels je réponds toujours aussitôt.

En Avril, l’Avastin, produit destiné à diminuer les risques de récidives, est rajouté au protocole de chimiothérapie. Malheureusement, je ne le supporte pas. La fistule urétéro-anale s’ouvre à nouveau, et je suis hospitalisée régulièrement pour des infections urinaires ou des pyélonéphrites. Je suis équipée constamment d’une sonde urinaire. De Mai à Juillet, je fais des allers-retours à l’Institut, que j’appelle « ma résidence secondaire », en ne restant jamais plus d’une semaine à la maison. J’arrête les exercices physique et la chimiothérapie est stoppée en Juin, je suis trop faible.

Un uretère devient poreux. En juillet, on remplace alors la sonde urinaire par une néphrostomie, drainage d’un rein à travers la peau, par l’intermédiaire d’une sonde qui recueille directement les urines vers l’extérieur. Je dois supporter un appareillage dans le dos. Je me requinque un peu, après une transfusion sanguine et quelques injections d’EPO !
Il me faut bien ça car je suis totalement obnubilée par le mariage d’une de mes filles qui approche à grand pas. Je veux être présentable, et tenir mon rôle de « nouvelle belle-mère ». Dopée par l’adrénaline et le stress, je reprends la marche nordique.

Après un été calme, avec en point d’orgue, un superbe mariage très réussi, les ennuis reprennent et la néphrostomie est remplacée en septembre, par une colostomie de décharge pour quelques mois, me dit le chirurgien. Il faut me remettre en forme pour supporter la future chirurgie en février 2014.

Au programme, résection des parties poreuses de l’uretère et de l’intestin, suspension de la vessie, ablation de la colostomie.
Et miracle ! Tout se passe au mieux et « cerise sur le gâteau », je suis déclarée en rémission complète. Malgré une nouvelle laparotomie totale, je peux sortir au bout de six jours. Je suis intègre ! Plus de poches de toutes sortes qui m’accompagnaient depuis dix mois.
Un moral au plafond et plein de projets ! Reprise de l’activité physique en groupe, sophrologie, art thérapie, et autres activités qui permettent de sortir et de se dépasser, en s’investissant dans la reconstruction. Revivre !

Que me manque-t-il ? Le partage avec des femmes qui ont connu la même pathologie que moi. On m’a tellement donné, que je veux moi aussi aider et communiquer. Beaucoup ont soulagé mes angoisses mais sans les comprendre forcement. Je me mets à la recherche d’une association de femmes porteuses de cancer gynécologiques.
Et je découvre IMAGYN, sur les conseils de l’attachée de recherche clinique de mon oncologue. Quelle euphorie de ne plus se sentir seule, de pouvoir se projeter dans le partage, l’écoute, la recherche, la sensibilisation à notre maladie! Les projets naissent. Les idées fusent lors des réunions mensuelles que je suis par téléphone, le siège étant situé à Paris Hôtel-Dieu. Cette envie d’avancer, de guérir, de surmonter les épreuves nous est commune.
Avant, il y avait le train-train, la vie à toute vitesse, les jours qui passent et se ressemblent, une certaine forme d’égoïsme motivée par le manque de temps et les futilités.
Maintenant, il y a juste la vie ! Prendre soin des autres et de soi. Ouvrir le cœur et les yeux. S’émerveiller d’un rien !
Qu’est-ce qui est important pour connaitre et apprécier l’Après?
D’abord les autres. L’entourage crée un milieu rassurant et chaud. Il apaise, il console, il pleure, il rit avec moi !
Puis la confiance. S’investir totalement dans les traitements proposés et éviter de douter. Pour ma part, je n’ai jamais pensé que je pouvais mourir !
Et enfin, l’exercice physique : apprendre à se réapproprier son corps, voir les progrès chaque jour.

Et maintenant ? Octobre 2014…La rechute a été annoncée par des marqueurs trop hauts et un scanner révélant une reprise au niveau ganglionnaire. J’entame un nouvel épisode fait à nouveau de chimio, de perte des cheveux, de petites et grandes misères de toutes sortes. Je vais vers un inconnu que je connais ! Toute ma famille et mes amis sont à nouveau en ordre de bataille pour m’aider à affronter ! Et je suis pleine de la force que j’ai acquise ces deux dernières années ! En avant la vie ! Un jour, viendra l’Après !…